Voici comment le fisc organise l’allégement des « amendes » pour paiement en noir. Taux réduit de 309 à 100%, même pour les litiges non-tranchés devant les tribunaux.
Les fonctionnaires des Finances sont en ordre de marche pour appliquer une mesure très controversée du gouvernement Michel. Celle-ci s’est glissée en douce dans la loi-programme du 19 décembre dernier. Il s’agit de revoir à la baisse la cotisation relative aux salaires en noir, avantages en nature et autres bénéfices dissimulés. Quand elles étaient découvertes par le fisc, ces « commissions secrètes », comme on les nomme parfois, faisaient l’objet d’une cotisation distincte de 309%.
Désormais, un taux de 100% sera appliqué. Les agents du fisc viennent de recevoir un mail leur donnant les consignes de mise en œuvre. Le nouveau mot d’ordre est détaillé dans un « Flashinfo interne » à l’administration. Ce document provoque pas mal de remous chez les fiscards. Il risque de générer un fameux désordre — aussi — devant les tribunaux.
L’Echo a pu lire ce document qui confirme la rétroactivité de la mesure. Les nouveaux litiges administratifs ou judiciaires sont forcément concernés. Mais les anciens, également. Et ce, tant que les dossiers ne seront pas définitivement clôturés. « Pour les affaires dans lesquelles des conclusions de synthèse ont déjà été déposées, dit le mémo, on peut, le jour de l’audience, demander au tribunal ou à la cour d’ajourner l’affaire pour permettre aux parties de réexaminer le litige à la lumière de la législation modifiée. » Le volume de contentieux concerné par cette mesure de clémence n’est pas connu à ce stade.
Au Parlement, en janvier, l’opposition PS, Ecolo et PTB a dénoncé en chœur ce qu’elle nomme de « l’incitation à la fraude ».
L’un des arguments du gouvernement pour défendre la mesure repose sur l’effet budgétaire escompté. Mais le bonus de 30 millions d’euros initialement annoncé dans le budget fédéral 2015 semble avoir fondu comme neige au soleil. Dans les justificatifs apportés (sans mauvais jeu de mots) à la Commission européenne, fin janvier, il est désormais question d’une perte fiscale de 113 millions pour l’année en cours. Etrange, tout de même: 143 millions d’écart en quelques semaines…
Pas dissuasif en dessous de 309%
Le taux à 309% s’était imposé via une loi de mars 1994. Les travaux parlementaires de l’époque recèlent une véritable perle. Pour justifier d’augmenter l’ »amende » de 206 à 309%, le législateur avait sorti la calculette. Il avait constaté qu’au taux en vigueur jusque-là, les entreprises n’avaient aucun intérêt à déclarer les rémunérations sur la base de fiches et relevés.Payer une cotisation de 206% sur une rémunération nette de 100.000 francs belges de l’époque était plus avantageux que… de la déclarer (306.000 FB contre 390.000). Selon les mêmes simulations, il fallait monter à 309% pour dissuader le paiement en noir. « La cotisation distincte a donc bien un caractère indemnitaire et n’est pas une sanction », pointait le Parlement de l’époque. Quelques esprits facétieux ont exhumé ce document, qui circule dans les couloirs de l’administration fiscale.
Source: L’Echo du 6 février 2015.